Modiste devenue Comtesse, Jeanne du Barry eut une triste fin à cause de son amour des bijoux
« Je suis bien sûre que nous ne serons pas toujours pauvre et si je puis devenir riche, vous le serez aussi » écrivait Jeanne Bécu à sa mère, en 1759.
Née le 19 août 1743, à Vaucouleurs, en Lorraine, des amours d’une couturière, Jeanne Bécu est de basse extraction mais l’excellente éducation qu’elle reçoit lui permet de devenir modiste à Paris, rue Saint-Honoré. Elle fréquente les salons et collectionne les galants de la bonne société.
En 1768, elle a ainsi l’opportunité d’être présentée au roi Louis XV, veuf de 58 ans. Malgré les médisances, Louis XV l’impose comme sa favorite à la cour de Versailles où Jeanne obtient le titre de comtesse du Barry.
Maîtresse choyée d’un roi taciturne et triste qu’elle égaie, Jeanne évolue en mécène éclairée, elle règne sur Versailles et sur le cœur du roi mais Louis XV meurt trop tôt laissant un successeur bien jeune : Louis XVI.
Jeanne du Barry est chassée de Versailles et trouve refuge dans son château de Louveciennes cadeau de Louis XV.
Le vol des bijoux
Jeanne du Barry est âgée d’une cinquantaine d’années à l’aube de la Révolution française ; la demeure de Louveciennes, quelques rentes et ses bijoux lui assurent une fin de vie aisée. Elle garde ses diamants et ses perles dans sa chambre. Elle en a aussi dissimulé dans le jardin…
Le 11 janvier 1791, Jeanne part fêter l’Epiphanie. A son retour, bijoux et objets précieux ont disparu.
Un procès-verbal détaillé est dressé par la maréchaussée ce 11 janvier et relate le vol.
A l’origine, Jeanne du Barry n’avait ni rang, ni fortune. Le vol d’une partie de son trésor (d’une valeur actuelle d’environ 60 millions d’euros) la prive de sa vie de luxe, dès lors elle ne cessera jamais de multiplier les démarches pour retrouver son bien.
La comtesse fait distribuer une liste précise des pierres précieuses volées dans les postes de police et chez les diamantaires français et étrangers, avec promesse de récompense.
Les pierres et les bijoux sont retrouvées assez rapidement à Londres et déposées dans une banque anglaise.
Les voleurs sont emprisonnés mais, au XVIIIe siècle, les conditions d’extradition entre la France et l’Angleterre sont inexistantes : les voleurs, arrêtés en Angleterre, doivent purger leur peine en Angleterre, pour recel, avant de retourner en France pour être jugés pour vol et pour que Jeanne puisse se faire restituer ses pierres précieuses par la banque mais en ces temps troublés, la démarche de Jeanne du Barry va attirer l’attention sur elle.
Les voyages en Angleterre
Plongée dans ce labyrinthe juridictionnel, en pleine Révolution française, Jeanne du Barry va effectuer pas moins de quatre voyages entre la France et l’Angleterre, entre 1791 et 1793 dans l’espoir de récupérer ses bijoux. Pour sortir du territoire français, elle doit obtenir des papiers dans un contexte qui se durcit vis-à-vis des aristocrates émigrés.
Durant ses séjours en Angleterre, elle s’installe dans un quartier où logent ses concitoyens, des émigrés à qui elle offre gite et couvert. Résidant en Angleterre lors de la décapitation du roi Louis XVI, le 21 janvier 1793, Jeanne du Barry n’hésite pas à en porter le deuil. Mais les relations entre la France et l’Angleterre se gâtent.
En mars 1793, émigrer devient un délit, puni de la confiscation des biens.
La comtesse du Barry rentre précipitamment en France dès qu’elle apprend que les scellés sont posés sur son domaine. Elle doit justifier ses séjours en Angleterre.
La Comtesse est accusée
Louveciennes est maintenant occupée par des personnes étrangères au village, des dénonciateurs commandités par la Convention, des pétitions s’organisent contre elle. Les rapports sur le comportement de la comtesse en Angleterre n’arrangent rien.
Une première fois, accusée d’incivisme, la comtesse du Barry est gardée à vue dans sa demeure. Son dossier suit son cours, de la Convention au Comité de Sûreté générale mais se souvenant de la générosité dont elle a su faire preuve, les habitants de son village témoignent en sa faveur et Jeanne est innocentée.
Mais la partie n’est pas gagnée. Poussés par la peur d’un retour en arrière les meneurs révolutionnaires exaspèrent la véritable folie meurtrière qui s’est emparée de la population.
L’arrestation – L’interrogatoire
En octobre 1793, un décret suspend la Constitution. La Terreur s’installe en même temps que la dictature imposée par le Comité de salut public dont se sont rendus maîtres Robespierre et ses amis. La loi des suspects est promulguée le 17 septembre 1793.
Des comités de surveillance autoproclamés traquent les suspects et Jeanne du Barry en fait partie. Suspectée d’incivisme et d’aristocratie elle est arrêtée le 22 septembre et conduite à la prison de Sainte Pélagie de Paris. Les scellés sont mis sur ses biens, ses papiers sont saisis et transmis au procureur du Comité de Sûreté générale. En son absence sa demeure est pillée.
Le 19 novembre 1793, elle est emmenée à la prison de la Conciergerie du Palais de justice où elle est interrogée. Jeanne du Barry multiplie les arguments pour se disculper : n’a-t-elle pas souscrit aux emprunts de la Révolution, soutenu la municipalité de Louveciennes, participé aux dons patriotiques ? Les preuves ne sont-elles pas là pour justifier ses voyages ?
Après quatre jours d’interrogatoire, elle est reconduite à la prison de Sainte Pélagie.
Le 4 décembre 1793, elle est de nouveau emmenée à la Conciergerie pour y être jugée au Palais de justice par le Tribunal révolutionnaire.
Le Tribunal révolutionnaire
Le Tribunal révolutionnaire est créé en mars 1793 par la Convention, ses compétences s’étendent à tous les crimes contre-révolutionnaires, les jugements sans appel sont immédiatement exécutoires.
Le procès de Jeanne
Les 6 et 7 décembre 1793, Jeanne du Barry comparaît devant l’accusateur du Tribunal révolutionnaire, Antoine-Quentin Fouquier-Tinville, qui l’accuse d’avoir conspiré contre la République pourtant des preuves du vol des bijoux justifiant ses voyages en angleterre ont été apportées par Jeanne mais elles ne sont pas suffisantes pour Fouquier-Tinville.
Son statut d’ex-maîtresse du roi pèse dans la balance, les amours, amitiés, sentiments de Jeanne sont transformés en crimes d’Etat.
Jeanne du Barry est condamnée à mort le 7 décembre 1793. Après la sentence, elle s’évertue à négocier sa vie et à gagner du temps, se voyant perdue, elle promet même de révéler la cachette du reste de ses trésors.
L’exécution
L’histoire aurait gardé de sa fin le souvenir de déchirantes supplications qui sont loin d’être avérées lorsque la comtesse Jeanne du Barry gravit les marches de l’échafaud.
Un fait est réel cependant : attendant son jugement à la Conciergerie, Jeanne laissa passer une possibilité d’évasion qui s’offrait à elle au profit d’Adélaïde de Mortemart, aristocrate recherchée. Cette dernière put ainsi quitter sa cachette et gagner l’Angleterre.
Jeanne du Barry, petite modiste devenue «La du Barry», favorite royale, fut guillotinée le 8 décembre 1793 par le bourreau Charles Henri Sanson, un de ses anciens amis…